Toutes vos questions sur l'hypnose ? - France Inter
Comment fonctionne cette thérapie ? Quels sont les domaines de prédilection de l’hypnose ? À qui ça s’adresse ? Ali Rebeihi reçoit pour en parler l’hypnothérapeute Constance Flamand-Roze et le Dr Grégory Tosti.
Chassez vos idées préconçues sur l’hypnose, des idées reçues peut-être influencées par les pratiques spectaculaires à la télévision, avec hypnotiseurs vaguement inquiétants aux paroles grandiloquentes et regards hallucinés : l’hypnose ne relève ni de la magie, ni du gadget. C’est une véritable pratique thérapeutique officiellement enseignée à la faculté de médecine, et un diplôme universitaire reconnu par l’Ordre des Médecins.
À mi-chemin entre le sommeil et l’éveil, l’hypnose thérapeutique acquiert ses lettres de noblesses, notamment dans les blocs opératoires.
Mais comment fonctionne cette thérapie ?
Quelles sont ses techniques ? Y a-t-il des contre-indications, et si oui, lesquelles ?
Que peut-elle soigner ?
Peut-on vraiment arrêter de fumer, de se ronger les ongles, moins stresser, perdre du poids, réduire ses tremblements... grâce à l’hypnose ?
Pour en parler, Ali Rebeihi reçoit
• Constance Flamand-Roze, hypnopraticienne, auteur du livre Le corps est le seul langage qui ne ment pas
• Dr Grégory Tosti, médecin généraliste et hypnothérapeute hospitalier, auteur du Grand livre de l’hypnose
Chassez vos idées préconçues sur l’hypnose, des idées reçues peut-être influencées par les pratiques spectaculaires à la télévision, avec hypnotiseurs vaguement inquiétants aux paroles grandiloquentes et regards hallucinés : l’hypnose ne relève ni de la magie, ni du gadget. C’est une véritable pratique thérapeutique officiellement enseignée à la faculté de médecine, et un diplôme universitaire reconnu par l’Ordre des Médecins.
À mi-chemin entre le sommeil et l’éveil, l’hypnose thérapeutique acquiert ses lettres de noblesses, notamment dans les blocs opératoires.
Mais comment fonctionne cette thérapie ?
Quelles sont ses techniques ? Y a-t-il des contre-indications, et si oui, lesquelles ?
Que peut-elle soigner ?
Peut-on vraiment arrêter de fumer, de se ronger les ongles, moins stresser, perdre du poids, réduire ses tremblements... grâce à l’hypnose ?
Pour en parler, Ali Rebeihi reçoit
• Constance Flamand-Roze, hypnopraticienne, auteur du livre Le corps est le seul langage qui ne ment pas
• Dr Grégory Tosti, médecin généraliste et hypnothérapeute hospitalier, auteur du Grand livre de l’hypnose
Effacer les traumatismes d’un clin d’œil : la surprenante technique EMDR - The conversation
Alors qu’elle traverse un parc en ruminant de sombres pensées, la psychologue américaine Francine Shapiro constate tout à coup que la charge émotionnelle de son souvenir traumatisant a diminué. Recherchant la cause, elle identifie les mouvements saccadiques de ses yeux. Elle expérimente alors l’influence des mouvements oculaires sur la réduction du stress associé aux souvenirs. Devant l’efficacité de cette technique, elle consacre dès lors sa vie à l’étude et à la promotion de l’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing).
Trente ans plus tard, toutes les études scientifiques menées prouvent l’efficacité de l’EMDR dans la résolution du trouble de stress post-traumatique (TSPT). La rapidité avec laquelle l’EMDR guérit les patients de leur stress est difficile à croire : 80 % des patients avec un traumatisme simple sont soignés en une à huit séances (une séance dure habituellement une heure).
Une technique facile à mettre en place
La mise en œuvre est très facile : le sujet se remémore l’événement traumatisant tandis que des stimulations bilatérales alternées (SBA) sont appliquées. Il s’agit de mouvements des yeux de droite à gauche et réciproquement (environ une fois par seconde), ou de sons (bip) parvenant à une oreille puis l’autre, ou de tapotements d’une partie du corps (main, genou) alternativement d’un côté puis de l’autre. Après quelques dizaines de secondes, le thérapeute arrête les SBA et le patient décrit son ressenti et/ou ce qui lui est venu à l’esprit.
Des souvenirs anciens peuvent survenir, des émotions, des sensations corporelles sont généralement décrites. Le thérapeute redémarre les SBA. Après quelques sessions, le sujet tout à coup affirme que le souvenir n’est plus traumatisant : il est « désensibilisé » ! Son souvenir ne sera plus jamais traumatisant. Le souvenir n’a pas disparu, il paraît souvent plus lointain – seule la charge émotionnelle a disparu. Cependant, même si la mise en œuvre est facile dans le cas de traumatismes simples, le traitement des traumatismes complexes demandera une préparation sécurisante et un accompagnement vigilant par le thérapeute.
Un certain nombre de thérapeutes sont formés et pratiquent l’EMDR, mais elle reste encore peu accessible (seules les séances réalisées à l’hôpital sont remboursées) et peu connue. Pourquoi ? Sans doute parce que les explications scientifiques manquaient, permettant aux tenants de thérapies plus longues et moins efficaces de rationaliser leur opposition. Cependant, de nombreuses recherches scientifiques sont désormais menées sur la thérapie EMDR, et des théories sont avancées, dont la Théorie neuronale de la Cognition.
L’EMDR expliquée scientifiquement
Un souvenir est une activation de quelques colonnes corticales au sein du cortex (80 % de la masse du cerveau). La colonne corticale est l’unité fonctionnelle du traitement cognitif, elle est formée d’environ 100 000 neurones. Les colonnes corticales se regroupent en carte. Il y a 360 cartes corticales (pour un total de 160 000 colonnes corticales). Chaque carte corticale code une dimension particulière du souvenir. Dans le cas d’un souvenir impliquant un cerisier, la forme de la feuille, la couleur de la cerise, son goût, la rugosité de l’écorce, l’orthographe du mot cerisier, les sons associés au mot cerisier sont codés par des colonnes appartenant à six cartes différentes. Nous pouvons y ajouter des dimensions personnelles comme un lieu, un visage, une date, etc. Les 360 cartes corticales sont autant de dimensions pour encoder nos souvenirs.
La valence « trauma » associée à un souvenir « traumatisant » est déterminée par l’amygdale, située sous le cortex (le nom vient du latin amande, ce qui nous renseigne sur sa taille). Les amygdales (une par hémisphère) sont spécialisées dans le traitement et la réponse émotionnelle ; elles peuvent être considérées comme des cartes corticales. Elles reçoivent les mêmes entrées que le cortex et traitent donc les mêmes informations, de fait beaucoup plus vite mais beaucoup plus grossièrement.
L’amygdale est un minuscule cortex dévolu à une question précise : la situation est-elle dangereuse ? Si c’est le cas, alors il faut être le mieux armé possible pour y répondre. L’amygdale provoque la libération d’adrénaline dans le système sanguin, ce qui instantanément facilite l’excitation neuronale. Les neurones prennent moins longtemps pour s’activer : nous pensons donc plus vite (sensation de temps qui ralentit) ; les fuseaux neuro-musculaires sont plus nombreux à s’activer : nous sommes donc plus forts. L’adrénaline favorise aussi la mémorisation : une unique expérience de danger est suffisante pour qu’on s’en rappelle toute notre vie. Cette mémorisation facilitée tisse des liens entre amygdale et cortex, entre « danger » et « souvenir ». Cette mémorisation est à double sens et la seule évocation du souvenir (cortex) suffit dès lors à activer le stress (amygdale) – et à renforcer le lien. Le souvenir traumatisant peut alors aller jusqu’au TSPT (trouble de stress post-traumatique).
Si des SBA sont appliquées dans cette situation, cela revient à envoyer des informations (peu significatives) aux cartes corticales. Ces informations périodiques s’accumulent, et deviennent capables après quelque temps de faire basculer dans un état « actif » des colonnes corticales qui étaient très proches de le faire (phénomène de résonance stochastique). Parfois ces colonnes codent pour des détails de l’événement qui étaient « oubliés », ou pour d’autres souvenirs, ou des sensations. Les SBA ajoutent ainsi des dimensions à la situation ce qui complexifie sa représentation corticale. Les détails ajoutés ne sont pas a priori stressants. Ils n’activent donc pas l’amygdale. Au bout d’un certain nombre de sessions avec des SBA, la représentation de l’événement est devenue si différente de la représentation initiale (stressante) que l’amygdale ne la reconnaît plus, et ne s’active donc plus. La mise à jour du souvenir traumatisant l’a rendu « neutre ». Il n’y a pas de retour en arrière possible : le patient est guéri de son souvenir traumatique.
L’EMDR ne se réduit pas à traiter le TSPT. Elle est également utilisée dans le cas de phobies, dépression, anxiété, addiction et même certains troubles psychotiques. En situation de crise (attentat, accident, etc.), l’EMDR peut également être pratiquée immédiatement en groupe.
Par Claude Touzet, Maître de Conférences en Sciences Cognitives et Stéphanie Khalfa, Chercheure, Aix-Marseille Université.
Trente ans plus tard, toutes les études scientifiques menées prouvent l’efficacité de l’EMDR dans la résolution du trouble de stress post-traumatique (TSPT). La rapidité avec laquelle l’EMDR guérit les patients de leur stress est difficile à croire : 80 % des patients avec un traumatisme simple sont soignés en une à huit séances (une séance dure habituellement une heure).
Une technique facile à mettre en place
La mise en œuvre est très facile : le sujet se remémore l’événement traumatisant tandis que des stimulations bilatérales alternées (SBA) sont appliquées. Il s’agit de mouvements des yeux de droite à gauche et réciproquement (environ une fois par seconde), ou de sons (bip) parvenant à une oreille puis l’autre, ou de tapotements d’une partie du corps (main, genou) alternativement d’un côté puis de l’autre. Après quelques dizaines de secondes, le thérapeute arrête les SBA et le patient décrit son ressenti et/ou ce qui lui est venu à l’esprit.
Des souvenirs anciens peuvent survenir, des émotions, des sensations corporelles sont généralement décrites. Le thérapeute redémarre les SBA. Après quelques sessions, le sujet tout à coup affirme que le souvenir n’est plus traumatisant : il est « désensibilisé » ! Son souvenir ne sera plus jamais traumatisant. Le souvenir n’a pas disparu, il paraît souvent plus lointain – seule la charge émotionnelle a disparu. Cependant, même si la mise en œuvre est facile dans le cas de traumatismes simples, le traitement des traumatismes complexes demandera une préparation sécurisante et un accompagnement vigilant par le thérapeute.
Un certain nombre de thérapeutes sont formés et pratiquent l’EMDR, mais elle reste encore peu accessible (seules les séances réalisées à l’hôpital sont remboursées) et peu connue. Pourquoi ? Sans doute parce que les explications scientifiques manquaient, permettant aux tenants de thérapies plus longues et moins efficaces de rationaliser leur opposition. Cependant, de nombreuses recherches scientifiques sont désormais menées sur la thérapie EMDR, et des théories sont avancées, dont la Théorie neuronale de la Cognition.
L’EMDR expliquée scientifiquement
Un souvenir est une activation de quelques colonnes corticales au sein du cortex (80 % de la masse du cerveau). La colonne corticale est l’unité fonctionnelle du traitement cognitif, elle est formée d’environ 100 000 neurones. Les colonnes corticales se regroupent en carte. Il y a 360 cartes corticales (pour un total de 160 000 colonnes corticales). Chaque carte corticale code une dimension particulière du souvenir. Dans le cas d’un souvenir impliquant un cerisier, la forme de la feuille, la couleur de la cerise, son goût, la rugosité de l’écorce, l’orthographe du mot cerisier, les sons associés au mot cerisier sont codés par des colonnes appartenant à six cartes différentes. Nous pouvons y ajouter des dimensions personnelles comme un lieu, un visage, une date, etc. Les 360 cartes corticales sont autant de dimensions pour encoder nos souvenirs.
La valence « trauma » associée à un souvenir « traumatisant » est déterminée par l’amygdale, située sous le cortex (le nom vient du latin amande, ce qui nous renseigne sur sa taille). Les amygdales (une par hémisphère) sont spécialisées dans le traitement et la réponse émotionnelle ; elles peuvent être considérées comme des cartes corticales. Elles reçoivent les mêmes entrées que le cortex et traitent donc les mêmes informations, de fait beaucoup plus vite mais beaucoup plus grossièrement.
L’amygdale est un minuscule cortex dévolu à une question précise : la situation est-elle dangereuse ? Si c’est le cas, alors il faut être le mieux armé possible pour y répondre. L’amygdale provoque la libération d’adrénaline dans le système sanguin, ce qui instantanément facilite l’excitation neuronale. Les neurones prennent moins longtemps pour s’activer : nous pensons donc plus vite (sensation de temps qui ralentit) ; les fuseaux neuro-musculaires sont plus nombreux à s’activer : nous sommes donc plus forts. L’adrénaline favorise aussi la mémorisation : une unique expérience de danger est suffisante pour qu’on s’en rappelle toute notre vie. Cette mémorisation facilitée tisse des liens entre amygdale et cortex, entre « danger » et « souvenir ». Cette mémorisation est à double sens et la seule évocation du souvenir (cortex) suffit dès lors à activer le stress (amygdale) – et à renforcer le lien. Le souvenir traumatisant peut alors aller jusqu’au TSPT (trouble de stress post-traumatique).
Si des SBA sont appliquées dans cette situation, cela revient à envoyer des informations (peu significatives) aux cartes corticales. Ces informations périodiques s’accumulent, et deviennent capables après quelque temps de faire basculer dans un état « actif » des colonnes corticales qui étaient très proches de le faire (phénomène de résonance stochastique). Parfois ces colonnes codent pour des détails de l’événement qui étaient « oubliés », ou pour d’autres souvenirs, ou des sensations. Les SBA ajoutent ainsi des dimensions à la situation ce qui complexifie sa représentation corticale. Les détails ajoutés ne sont pas a priori stressants. Ils n’activent donc pas l’amygdale. Au bout d’un certain nombre de sessions avec des SBA, la représentation de l’événement est devenue si différente de la représentation initiale (stressante) que l’amygdale ne la reconnaît plus, et ne s’active donc plus. La mise à jour du souvenir traumatisant l’a rendu « neutre ». Il n’y a pas de retour en arrière possible : le patient est guéri de son souvenir traumatique.
L’EMDR ne se réduit pas à traiter le TSPT. Elle est également utilisée dans le cas de phobies, dépression, anxiété, addiction et même certains troubles psychotiques. En situation de crise (attentat, accident, etc.), l’EMDR peut également être pratiquée immédiatement en groupe.
Par Claude Touzet, Maître de Conférences en Sciences Cognitives et Stéphanie Khalfa, Chercheure, Aix-Marseille Université.
L’hypnose judiciaire - Resilience psy
Par Evelyne Josse
Extraits.
Avec la collaboration de Cécile Grayet, psychologue, psychothérapeute, hypnothérapeute et praticienne EMDR, analyste du comportement à la Police fédérale pendant 15 ans ; Sandrine Kuypers, psychologue et analyste du comportement à la Police Fédérale ; Youri Schillinger, enquêteur, polygraphiste, spécialisé en hypnose judiciaire et entretien cognitif au service des Sciences Comportementales à la Police Fédérale pendant 9 ans ; Michel Chantraine, médecin, bioéthicien, psychotraumatologue, psychothérapeute, hypnothérapeute et expert en hypnose judiciaire pendant 7 ans.
Introduction
En Belgique, la jurisprudence autorise l’utilisation de l’hypnose [1]avec les témoins et les victimes volontaires dans les enquêtes judiciaires. Cette méthode n’est pas une technique d’enquête à proprement parler ; elle est davantage à considérer comme un complément aux méthodes d’audition classiques. Elle reste toutefois une pratique mineure réservée aux faits graves tels que meurtres, attaques de banque, viols, traite des êtres humains, etc. lorsque les indices à disposition des enquêteurs sont insuffisants à faire émerger la vérité. Bien que controversée, la méthode a prouvé son efficacité dans de nombreux dossiers. En effet, dans 60% des cas, elle permet de récupérer de nouvelles informations utiles à la progression de l’enquête.
La plus-value de l’hypnose
Nous l’avons vu, la capacité à se remémorer d’un plus grand nombre d’information à force de rappels est phénomène normal. Comparé à un rappel en état de conscience habituel, l’hypnose permet de récupérer un plus grand nombre d’informations. Lorsque nous nous rappelons un événement, nous nous concentrons principalement sur ce que nous avons vu. En hypnose, nous revivons l’événement bien plus que nous ne nous le remémorons. Lorsque nous expérimentons une situation, nous mémorisons de nombreuses données sur l’environnement mais également sur notre état mental, émotionnel et physique. En « revivant » la situation en hypnose, nous retrouvons ces données contextuelles. Grâce à celles-ci, nous nous rappelons de détails qui semblaient ne pas avoir été enregistrés et nous optimisons le nombre d’information sur la situation critique [47]. Plus nombreux sont les éléments contextuels ravivés en hypnose, meilleure sera la récupération des souvenirs. C’est pour cette raison que l’expert en hypnose judiciaire encourage le témoin ou la victime à revivre la scène avec tous ses sens (vue, ouïe, toucher, odorat et parfois, goût) et l’encourage à décrire de façon détaillée des éléments sans intérêt pour la collecte des renseignements recherchés (par exemple, la couleur des murs d’une pièce, les conditions météorologiques du jour, etc.). Dans le cadre d’un homicide, un témoin est interrogé. Lors de sa déposition, il déclare que l’agresseur a tiré trois coups de feu et que la jeune victime, surprise, est restée assise sans avoir eu le réflexe de se protéger. Ses déclarations ne correspondent pas au constat du médecin légiste. En hypnose, il retrouve le déroulement exact des faits : il revoit la victime se jeter au sol dans un geste désespéré, il entend les deux coups de feu tiré par l’assassin et visualise la victime gisant sur le dos, le T-shirt relevé en accordéon sur le ventre laissant apparaître, dépassant du pantalon, la marque commerciale du boxer inscrite sur l’élastique de la ceinture du sous-vêtement.
La fiabilité des souvenirs récupérés par hypnose n’est pas supérieure à celle des souvenirs ordinaires. Si le nombre de nouvelles informations correctes augmente, le taux d’erreur augmente également, surtout après de multiples rappels comme c’est le cas pour les souvenirs ordinaires. Comme l’explique Cécile Grayet, une psychologue longtemps attachée au Service des Sciences comportementales : « Si un individu, à l’occasion d’une première audition, livre 6 informations sur un auteur, dont 4 sont exactes et 2 inexactes (simplement parce que l’exercice de mémorisation engendre inévitablement des erreurs), lors d’un entretien sous hypnose subséquent, nous pourrions attendre peut-être 9 informations, dont 6 seront exactes et 3 erronées. Nous aurons gagné 3 informations mais le taux d’erreur resterait inchangé : un tiers des informations serait incorrect. En conclusion, nous pouvons dire que nous pouvons attendre une augmentation modeste de nouvelles informations correctes grâce à un entretien sous hypnose d’un témoin ou d’une victime. Comme c’est le cas avec toute déclaration, il convient de confirmer ou infirmer par d’autres moyens d’enquête toute nouvelle information récoltée »
Rien ne garantit donc la fiabilité des informations récupérées en hypnose mais rien ne garantit non plus l’exactitude des souvenirs ordinaires. La personne entendue dans le cadre d’une enquête peut avoir la conviction que ses souvenirs sont conformes à la réalité, que ceux-ci soient authentiques ou non. Il importe d’apprécier ces faiblesses de la mémoire, peu importe qu’il s’agisse de souvenirs ordinaires ou de souvenirs ravivés par hypnose.
Extraits.
Avec la collaboration de Cécile Grayet, psychologue, psychothérapeute, hypnothérapeute et praticienne EMDR, analyste du comportement à la Police fédérale pendant 15 ans ; Sandrine Kuypers, psychologue et analyste du comportement à la Police Fédérale ; Youri Schillinger, enquêteur, polygraphiste, spécialisé en hypnose judiciaire et entretien cognitif au service des Sciences Comportementales à la Police Fédérale pendant 9 ans ; Michel Chantraine, médecin, bioéthicien, psychotraumatologue, psychothérapeute, hypnothérapeute et expert en hypnose judiciaire pendant 7 ans.
Introduction
En Belgique, la jurisprudence autorise l’utilisation de l’hypnose [1]avec les témoins et les victimes volontaires dans les enquêtes judiciaires. Cette méthode n’est pas une technique d’enquête à proprement parler ; elle est davantage à considérer comme un complément aux méthodes d’audition classiques. Elle reste toutefois une pratique mineure réservée aux faits graves tels que meurtres, attaques de banque, viols, traite des êtres humains, etc. lorsque les indices à disposition des enquêteurs sont insuffisants à faire émerger la vérité. Bien que controversée, la méthode a prouvé son efficacité dans de nombreux dossiers. En effet, dans 60% des cas, elle permet de récupérer de nouvelles informations utiles à la progression de l’enquête.
La plus-value de l’hypnose
Nous l’avons vu, la capacité à se remémorer d’un plus grand nombre d’information à force de rappels est phénomène normal. Comparé à un rappel en état de conscience habituel, l’hypnose permet de récupérer un plus grand nombre d’informations. Lorsque nous nous rappelons un événement, nous nous concentrons principalement sur ce que nous avons vu. En hypnose, nous revivons l’événement bien plus que nous ne nous le remémorons. Lorsque nous expérimentons une situation, nous mémorisons de nombreuses données sur l’environnement mais également sur notre état mental, émotionnel et physique. En « revivant » la situation en hypnose, nous retrouvons ces données contextuelles. Grâce à celles-ci, nous nous rappelons de détails qui semblaient ne pas avoir été enregistrés et nous optimisons le nombre d’information sur la situation critique [47]. Plus nombreux sont les éléments contextuels ravivés en hypnose, meilleure sera la récupération des souvenirs. C’est pour cette raison que l’expert en hypnose judiciaire encourage le témoin ou la victime à revivre la scène avec tous ses sens (vue, ouïe, toucher, odorat et parfois, goût) et l’encourage à décrire de façon détaillée des éléments sans intérêt pour la collecte des renseignements recherchés (par exemple, la couleur des murs d’une pièce, les conditions météorologiques du jour, etc.). Dans le cadre d’un homicide, un témoin est interrogé. Lors de sa déposition, il déclare que l’agresseur a tiré trois coups de feu et que la jeune victime, surprise, est restée assise sans avoir eu le réflexe de se protéger. Ses déclarations ne correspondent pas au constat du médecin légiste. En hypnose, il retrouve le déroulement exact des faits : il revoit la victime se jeter au sol dans un geste désespéré, il entend les deux coups de feu tiré par l’assassin et visualise la victime gisant sur le dos, le T-shirt relevé en accordéon sur le ventre laissant apparaître, dépassant du pantalon, la marque commerciale du boxer inscrite sur l’élastique de la ceinture du sous-vêtement.
La fiabilité des souvenirs récupérés par hypnose n’est pas supérieure à celle des souvenirs ordinaires. Si le nombre de nouvelles informations correctes augmente, le taux d’erreur augmente également, surtout après de multiples rappels comme c’est le cas pour les souvenirs ordinaires. Comme l’explique Cécile Grayet, une psychologue longtemps attachée au Service des Sciences comportementales : « Si un individu, à l’occasion d’une première audition, livre 6 informations sur un auteur, dont 4 sont exactes et 2 inexactes (simplement parce que l’exercice de mémorisation engendre inévitablement des erreurs), lors d’un entretien sous hypnose subséquent, nous pourrions attendre peut-être 9 informations, dont 6 seront exactes et 3 erronées. Nous aurons gagné 3 informations mais le taux d’erreur resterait inchangé : un tiers des informations serait incorrect. En conclusion, nous pouvons dire que nous pouvons attendre une augmentation modeste de nouvelles informations correctes grâce à un entretien sous hypnose d’un témoin ou d’une victime. Comme c’est le cas avec toute déclaration, il convient de confirmer ou infirmer par d’autres moyens d’enquête toute nouvelle information récoltée »
Rien ne garantit donc la fiabilité des informations récupérées en hypnose mais rien ne garantit non plus l’exactitude des souvenirs ordinaires. La personne entendue dans le cadre d’une enquête peut avoir la conviction que ses souvenirs sont conformes à la réalité, que ceux-ci soient authentiques ou non. Il importe d’apprécier ces faiblesses de la mémoire, peu importe qu’il s’agisse de souvenirs ordinaires ou de souvenirs ravivés par hypnose.