Hypnose & Médias Avril 2021



L'hypnose pour se libérer des tensions et des phobies.

En stimulant des ressources non conscientes, l’hypnose peut nous aider à guérir et à trouver du soulagement à nos phobies, addictions et autres problèmes de concentration, nous promet le Dr Jean-Marc Benhaiem.
Interview de Sophie Bartczak de Lavie.fr

Parce qu’elle nous conduit dans un indicible ailleurs, au cœur du corps, de l’imaginaire et de l’intime, l’hypnose fascine et intrigue. Elle peut être spectaculaire ou inaperçue. Multiforme, ce soin corps-esprit sur mesure apaise le corps ou l’esprit en rééquilibrant notre relation au monde et à nous-mêmes. Le Dr Jean-Marc Benhaiem, directeur du diplôme universitaire d’hypnose médicale à la Pitié-Salpêtrière, explique comment l’hypnose nous fait grandir et nous soigne.

Les démonstrations spectaculaires à la télévision ou sur scène laissent penser à de fabuleux pouvoirs de l’esprit sur le corps. Qu’en est-il ?
Ces spectacles ne sont pas de l’hypnose mais plutôt de la manipulation. On confond souvent les deux. Dans l’hypnose, il y a deux étapes, la confusion-induction et la suggestion. La confusion met la personne en état de trouble afin qu’elle perde ses certitudes et devienne plus souple.

C’est cette première étape qui est utilisée dans les spectacles. Les personnes les plus hypnotisables sont d’ailleurs spécialement sélectionnées. La publicité est une autre forme d’hypnose dévoyée qui fonctionne très bien car les suggestions sont cachées (affiche dans le métro, messages implicites…). Via des suggestions (cigarettes de James Bond, sodas des sportifs…), on assimile à notre insu une chose à une autre.
À force de voir ces publicités, on pense que c’est normal de consommer ces produits. Il s’agit alors, si on est obèse ou fumeur par exemple, de reprendre le pouvoir naturel sur notre corps et notre esprit. C’est là que l’hypnose, contrairement à la manipulation, nous aide à retrouver cette liberté.

En quoi et comment l’hypnose stimule-t-elle nos forces d’autoguérison ?
Obsessions et tensions entravent notre mouvement réparateur naturel. En invitant notre corps et notre esprit au repos, au « ne-rien-faire », on favorise l’autoguérison. Erickson, le psychiatre américain qui a rénové et fondé l’hypnose actuelle, parlait de ressources non conscientes existantes que l’hypnose viendrait stimuler. C’est en rejoignant cet espace qui existe en nous que l’on peut guérir. Au contraire, lorsqu’on s’écarte de ce centre, mal-être et malaises apparaissent.

Que se passe-t-il exactement lors d’une séance thérapeutique ?
Après avoir écouté la personne et compris son objectif (phobie, addiction, problème de concentration), le thérapeute la conduit en phase de « confusion », puis utilise des suggestions directes ou indirectes. Débute alors une expérience nouvelle, comme s’imaginer face à une araignée, jeter des sucreries ou voyager sereinement en avion.

Ce geste imaginaire est déjà un geste en voie d’exécution. Il active les mêmes modifications cérébrales que si on l’avait fait « en vrai » et nous met ainsi en route. Grâce à l’imagerie cérébrale, les effets de l’hypnose sont visibles dans le cerveau et l’on voit certaines zones cérébrales changer lors de suggestion pour calmer la douleur, par exemple.

En fait, normalement nous passons naturellement des pensées aux ressentis et vice versa, et ce dialogue intérieur corps-esprit nous maintient en bonne santé, mais nos modes de vie créent un déséquilibre. De nombreux patients sont bloqués dans le mental et le contrôle.
Ruminations et angoisses les rendent incapables de rêver, ressentir et lâcher prise et cela entraîne des obsessions, crises d’anxiété, attaques de panique, phobies et autres troubles compulsifs. La mise en état de « confusion » leur permet alors d’accéder aux sens, à un état de rêverie où l’imaginaire permet de réorganiser leurs croyances et de se reconnecter au réel.

Quelles sont les conditions du succès ?
Le point de départ, c’est la décision. Un réveil intérieur et un acte de liberté de la personne. Si quelqu’un vient à l’hypnose à la demande du chirurgien pour arrêter de fumer par exemple, cela ne fonctionne pas. Il faut que la personne s’implique, soit active et se mette en mouvement.
Elle est restée des années avec sa phobie, le tabac, la timidité, le surpoids et elle se réveille de l’emprise de ses habitudes et pensées. « Il y en a marre. Je ne veux plus dépendre. Je veux ma liberté. » Cette envie de liberté est une sensation du corps qui a entamé le chemin de guérison (par exemple, on commence à être dégoûté du tabac).
Mon travail consiste à amplifier ce mouvement et à offrir un accompagnement rassurant. La confiance dans le thérapeute est fondamentale. Les humains ont besoin d’échanger, de se sentir compris, entendus.
Hypnose, méditation, transe hypnotique…

Qu’ont en commun ces approches corps-esprit ?
Les principes de l’hypnose et de la méditation semblent opposés, car l’hypnose se fonde sur un principe d’action, alors que la méditation vise le non-agir. Mais la confrontation à la solitude dans la méditation permet la naissance d’un mouvement montrant le chemin au corps et à l’esprit pour ne plus souffrir. En cela, ces deux voies se rejoignent.
L’hypnose, comme la méditation, réveille la personne endormie et son instinct de vie. En fait, l’hypnose est universelle. Dans beaucoup de cultures, chamans ou guérisseurs tentent de ramener une personne qui va mal à elle-même. Il faut un contexte, un espace, des rites, pour passer de la maîtrise et du contrôle vers « je me laisse appartenir à l’espace », à ce qui est vivant. L’hypnose correspond à notre culture. Elle offre au médecin un moyen d’entrer en relation avec son patient, de retrouver la dimension humaine du soin et de pratiquer son art : être présent, écouter et créer un soin sur mesure.



3 exercices d’autohypnose

Pour comprendre ce qu’est l’hypnose, fixez quelques instants le centre de ce disque… Après quelques secondes, la spirale se met à tourner… la vue devient floue… une fatigue… Une confusion se fait sentir. Les repères sont brouillés. La perte du contrôle, guidée par un thérapeute, permet de défaire des habitudes, des rituels ou des croyances fortement ancrés. La place est libre pour voir s’opérer des changements. Le rigide est devenu souple… À présent, nous vous invitons à quitter cette fixation et à laisser votre regard balayer librement tout l’espace devant vous. La netteté réapparaît. Le contrôle est revenu. Après avoir induit l’hypnose, ces exercices requièrent de vous poser quelques instants puis de faire appel à votre imagination.

– Sortir des ruminations
Impassible, immobile comme un objet… Votre pensée travaille sans relâche, vous ne cessez de ruminer ou de ressasser un problème. Si vous vous transformiez en objet, toutes les émotions disparaîtraient. Votre présence physique serait totale. Quel objet pourriez-vous être ? Le siège dans lequel vous êtes installé(e) ? Une statue dans un musée ? Un robot ? Prenez cinq minutes pour trouver l’objet et vous y fondre.

– Se libérer des dépendances
Imaginez… C’est l’été. Un homme se repose dans une chaise longue. Un moustique tigre approche et se pose sur son bras. L’homme ne réagit pas. Pourquoi ? Il dort ? Son attention est captée ailleurs ? Il n’a plus de sensibilité ? Il a été drogué ou anesthésié ? Si vous parvenez à le réveiller et à attirer son attention sur son bras, que va-t-il faire ? Il va chasser l’insecte ou l’écraser, n’est-ce pas ?
Pourquoi les personnes aux prises avec l’alcool, le tabac, une obsession, se laissent-elles détruire ? Parce qu’on les a rendues absentes, comme envoûtées. Pour que ces personnes puissent passer à l’action, il faut qu’elles soient éveillées, présentes à leur corps et sensibles. L’action est un réflexe adapté au contexte.
Et vous ? Êtes-vous présent(e) ? Où est votre attention ? Faites l’exercice d’être hyper-présent(e) à votre corps et à l’espace environnant. Cette immersion est le point d’appui de toute action.

Lâcher prise et sortir du perfectionnisme
Imaginez… Vous avez accepté de promener le chien du voisin… Il vous le confie. Mais la promenade tourne au cauchemar. C’est un bouledogue, et il tire fort sur sa laisse. Il commande, et vous êtes obligé(e) de le suivre. Il se met à courir et vous ne parvenez pas à le retenir. Il court droit vers la chaussée ou vers le précipice. On vous a confié ce chien. Vous en êtes responsable. Si vous le lâchez, quelles seront les conséquences ?
La culpabilité, les regrets… On ne peut plus vous faire confiance. Mais si vous tenez, vous allez tomber de la falaise ou vous faire écraser par les camions… Que faites-vous ?
Et vous, que tenez-vous qui vous entraîne vers la mort ou la souffrance ? Saurez-vous relâcher les attaches ?

Ce que l’hypnose peut soigner
– Douleurs aiguës et chroniques (migraines, lombalgies, syndrome du côlon irritable…).
– Addictions (tabac, cannabis, alcool).
– Troubles du comportement alimentaire.
– Excès de contrôle mental induisant insomnie, stress, inhibition, peur de parler en public, attaques de panique, phobies…
– Problèmes de concentration.
– Terreurs nocturnes ou énurésie des jeunes enfants.
– Préparation aux épreuves sportives ou aux examens.
– Amélioration des problèmes de peau et des troubles de la fertilité.


A l’hôpital d’Auch, la communication positive et l’hypnose améliorent les prises en charge.

L’établissement a sensibilisé une centaine de ses agents à la communication hypnotique. Par ailleurs, le nombre de soignants diplômés en hypnose médicale est en progression.
Par Alain Gravil - Actu.fr - Gers

La communication hypnotique et l’hypnose médicale ont le vent en poupe dans les établissements de soins depuis quelques années. A l’hôpital d’Auch, pas question de passer à côté de ces techniques qui améliorent considérablement la prise en charge des patients.

Une communication positive pour rassurer et s’adapter au patient
Manon Queralt est cadre infirmier à l’hôpital d’Auch depuis 2018. Elle a un Diplôme Universitaire (DU) d’hypnose médicale. Elle explique : « A côté des techniques d’hypnose formelle, réservés aux personnes diplômées, nous avons sensibilisé une centaine d’agents de l’hôpital à la communication hypnotique ».
Cette forme de communication dérivée des techniques de l’hypnose vise à rassurer le patient et à s’adapter à lui, en choisissant des mots et une syntaxe positive.
Plutôt que de dire « Je n’ai pas de date à vous proposer la semaine prochaine » une secrétaire médicale va privilégier une formulation positive telle que « Je vous propose de vous contacter dès qu’une date se libère ». il faut transformer un problème par une solution.

C’est une philosophie de communication qui vise à améliorer la compréhension de l’autre. Le système s’adapte à la personne. « Nous proposons des solutions et nous laissons le patient décider » ajoute t-elle.

Une centaine d’agents sensibilisés à ces techniques
Sur les 1300 employés de l’hôpital, une centaine d’agents a dores et déjà été sensibilisé à cette forme de communication positive. Et pas seulement les soignants. « Les personnels administratifs peuvent aussi utiliser ces techniques pour améliorer leur relations de travail entre collègues ».
Ces sensibilisations permettent de faciliter les relations avec les usagers et d’accroître leur satisfaction dans le cadre de l’offre de soin de l’hôpital.
Il faut être vigilant à chaque détail. Ne pas dire « l’imprimante est foutue » pour ne pas inquiéter un patient qui penserait qu’on parle de lui.

Les sensibilisations sont proposées à tous les agents, en concertation avec la direction des soins. L’établissement s’est même doté d’une charte éthique d’utilisation de la communication hypnotique.
Si certains soignants montrent un intérêt plus appuyé pour la démarche, l ‘établissement pourra leur proposer un projet de service. Celui-ci pourra inclure des formations approfondies telles que le DU d’hypnose médicale, permettant une utilisation plus poussée. Ils pourront alors pratiquer « l’hypnose formelle » dans le cadre d’un accompagnement aux soins.
Il n’y a pas de liste d’expression à utiliser ou de formules types. Si vous donnez à tous une phrase type, cela peut sonner faux. Les agents s’approprient ces techniques pour les utiliser avec leur propre vocabulaire.

Et même de l’hypnose formelle dans certains services
Aude Sartori est manipulatrice radio et praticienne diplômée en hypnose. Elle intervient pour prendre en charge des patients claustrophobes ou inquiets pour des scanners ou des IRM. Ceux-ci reçoivent parfois une injection de produit de contraste. La situation peut être angoissante, surtout en cas de suspicion d’une maladie grave. « Avant l’examen on prépare le patient par une induction. Le but est d’aider la personne à entrer dans un état de focalisation intérieure. Puis celui-ci sera en état hypnotique pendant environ 1/4 d’heure. On peut alors lui faire des suggestions »
On demande au patient d’aller dans un lieu ressource, où il se sent en sécurité. Mentalement on l’accompagne dans ce lieu où il se sent bien. Ça peut être la plage, son jardin ou son canapé.

Aude détaille le processus: « Pendant l’acte de radiologie, je suis en contact avec le patient par un micro-casque et je continue de lui parler. L’idée est qu’il se sente en sécurité et en liberté ».
A la fin de l’examen, Aude procède au « réveil » du patient. Elle lui demande de revenir dans le contexte, de se réassocier, avec un timbre de voix différent.
On a tous la faculté d’être dans cet état. Ça nous arrive parfois quand on est au volant de sa voiture dans les bouchons. On est alors absorbé par des idées et on laisse voguer sa pensée.

Pour bénéficier de cet accompagnement gratuit, le patient demande un créneau lors de la prise de rendez-vous. De plus en plus de patients demandent à bénéficier de ce service. Parfois, Aude a jusqu’à 4 patients dans une même journée.

Assister le patient pour des opérations médicales
Suivant la disponibilité des soignants diplômés en hypnose, l’accompagnement peut aller beaucoup plus loin, y compris dans des interventions opératoires.
Manon Queralt indique : « J’ai déjà accompagné des patients en réanimation, lors de la pose de drains thoraciques ». De même, l’hypnose joue un rôle important dans l’acceptation de la ventilation non invasive. Il faut alors accompagner la respiration du patient. La machine impose une cadence de respiration et si le patient panique, on doit basculer sur une intubation, c’est plus invasif. L’enjeu est donc important.

Réduire le stress par une alternative non médicamenteuse

De nombreux patients sont stressés à l’hôpital, ne serait ce que par une prise de sang ou l’attente d’un résultat. L’hypnose et la communication hypnotique joueront un rôle de plus en plus important dans la gestion du stress en milieu hospitalier. Ces techniques permettent d’améliorer considérablement la qualité de la prise en charge hospitalière et constitue aussi une alternative sérieuse aux médicaments de type anxiolytiques.




Présidente de France EMDR-IMO, Présidente de l'Institut HYPNOTIM à Marseille. Responsable… En savoir plus sur cet auteur


Rédigé le Dimanche 18 Avril 2021 à 21:46 | Lu 461 fois modifié le Dimanche 18 Avril 2021