Les suggestions directes. Dr Dominique Megglé


Qu’en pense le Docteur Erickson ?
Dominique Megglé a fait un vrai travail de recherches dans tous les livres et articles d’Erickson. Il développe sa pensée qu’il avait déjà en partie évoquée dans le numéro 30 de notre Revue. Des échanges avec des spécialistes ont invité Dominique Megglé à réaliser davantage de recherches.


Suivant Erickson et Rossi (1976), une suggestion directe (SD) est une suggestion dans laquelle l’opérateur fait la demande claire et directe d’une certaine réponse ; dans la suggestion indirecte (SID), la relation entre la suggestion de l’opérateur et la réponse du sujet est moins précise ou évidente.

Suggestions directes ou indirectes ?
C’est à Ernest Rossi que nous devons d’avoir dressé l’inventaire des innombrables moyens de communication indirecte d’Erickson (implications, présupposés, doubles liens, confusion, métaphores, etc.), faisant apparaître ceux-ci comme l’apport spécifique d’Erickson à l’hypnose. Rossi fait une espèce d’obsession de l’indirection d’Erickson. Ce psychanalyste ne veut pas qu’il soit dit que les stratagèmes autoritaires et directifs de celui-ci l’étaient, autoritaires et directifs. Il veut qu’il soit dit qu’Erickson était permissif, libérateur et « démocratique ». Tout lui est bon pour disqualifier ses suggestions directes.

Par exemple, il use et abuse d’un texte d’Erickson de 1948, qu’il cite plusieurs fois hors contexte :
« La suggestion directe est fondée essentiellement, même involontairement, sur l’hypothèse que tout ce qui se développe en hypnose provient des suggestions données. Cela implique que le thérapeute a le pouvoir miraculeux de produire des changements thérapeutiques chez le patient, et ne tient pas compte du fait que la thérapie résulte d’une “re-synthèse” interne du comportement du patient réalisée par le patient lui-même. Il est vrai que la suggestion directe peut produire une modification du comportement du patient et aboutir à une guérison symptomatique, au moins temporairement.
Quoi qu’il en soit, une telle “guérison” est simplement une réponse à la suggestion et n’entraîne pas la réassociation et la réorganisation des idées, des compréhensions et des souvenirs qui sont si essentielles pour une guérison réelle. C’est cette expérience de réorganiser et réassocier sa propre vie expérientielle qui aboutit à une guérison, non la manifestation d’un comportement de réponse, qui ne peut, au mieux, satisfaire que l’observateur. » 


En réalité cet article, écrit pour le Medical Clinics of North America, avait un but précis : légitimer la « psychothérapie hypnotique » auprès d’un milieu médical qui, au lendemain de la guerre, n’en tenait que pour la psychodynamique et méprisait l’hypnose qu’il ignorait. Erickson y parlait le langage de ceux à qui il s’adressait.

Quand on lit Erickson, on se rend compte qu’il utilisait autant les suggestions directes qu’indirectes. Il ne se servait des indirectes que s’il rencontrait de la résistance. Comme le dit Zeig (1980), « le degré d’indirection à utiliser est proportionnel au degré de résistance perçue », et celle-ci n’est pas une fatalité. Beaucoup de patients coopèrent facilement dès qu’ils se sentent compris par leur thérapeute, ce qui permet à celui-ci d’être direct. Erickson ne compliquait pas inutilement sa pratique. Il cherchait la simplicité. Il manie d’ailleurs ces suggestions directes d’une manière si adroite que celle-ci mérite tout autant d’être étudiée que son utilisation des indirectes.

Trop souvent, les ericksoniens modernes sont indirects sans raison. Peut-être, comme Rossi, ont-ils peur de leur influence. Ils multiplient alors les « peut-être que, vous pouvez peut-être, il est possible que ceci ou cela, je ne sais pas si ou si. »

Ils seraient effrayés de dire directement : « Maintenant, arrêtez cette poussée de rectocolite. Arrêtez de saigner. Dégonflez la muqueuse de votre intestin. Détendez les muscles de vos intestins, et faites des jolis petits caillots partout là où il faut. » Le patient à qui j’ai donné ces suggestions était dans un tel état de souffrance que la colectomie était envisagée. Trois séances de cette hypnose directe ont eu raison de la rectocolite, laquelle ne s’est plus manifestée depuis quinze ans.

Bien des ericksoniens modernes auraient du mal à pratiquer l’induction directe suivante, souvent lue chez le Maître, que j’aime utiliser de plus en plus : « Maintenant, je veux que vous entriez dans une transe très profonde, tellement profonde que vous laissez votre corps dans la chaise et vous flottez loin, flottez loin dans le temps, loin dans l’espace. Faites-le. » En un clin d’œil, vous récoltez une transe profonde et de multiples phénomènes hypnotiques, parce que vous avez dit « je veux » et qu’ainsi, avec quelques impératifs, vous n’avez laissé aucun doute sur vos intentions au sujet. Celui-ci se sent en sécurité parce qu’il se sent épaulé, encadré, fortement. 

Deux Erickson ?
A la suite de Rossi, un certain nombre d’ericksoniens modernes disent s’appuyer sur l’évolution d’Erickson lui-même pour étayer leur pratique d’une hypnose « douce », répugnant aux suggestions directes, et passionné de suggestions indirectes. Il y aurait un Erickson des premiers temps, classique, autoritaire, direct, et un second, mûri, non conformiste, permissif et indirect. Rossi ose même parler d’Erickson comme d’une « figure de transition », qui a commencé par baigner dans l’idéologie autoritaire et directive du passé et s’en est libéré pour découvrir, grâce à sa virtuosité innovatrice, les valeurs démocratiques de la modernité dans laquelle les besoins de l’individu priment !

Deux livres témoigneraient de cette évolution d’Erickson : pour la première époque, The Practical Application of Medical and Dental Hypnosis, et pour la seconde, A Teaching Seminar. Le premier serait dépassé, le second seul encore actuel.

Or, The Practical Application a été publié en 1961. Erickson avait déjà 60 ans. A 60 ans, il n’aurait donc pas encore mûri ? The Practical Application se veut, dit Erickson dans sa préface, « un manuel destiné aux étudiants afin qu’ils n’aient pas besoin de prendre de notes écrites pendant les séminaires et qu’ainsi, ils puissent y participer plus activement ». Les suggestions présentées sont autant indirectes que directes.

Le Teaching Seminar date de l’année de la mort d’Erickson, 1980, soit vingt ans plus tard. Il est d’un genre totalement différent. C’est le script de l’enregistrement d’un séminaire de cinq jours à des étudiants. Il y utilise autant de suggestions directes qu’indirectes. Je viens d’évoquer la suggestion directe : « Maintenant, je veux que vous entriez dans une transe très profonde, tellement profonde que vous laissez votre corps dans la chaise et vous flottez loin, flottez loin dans le temps, loin dans l’espace. » Elle vient du Teaching Seminar, à la veille de sa mort.

Les deux ouvrages ne s’opposent pas. Ils se complètent : c’est cours et TD. Le même Erickson, autoritaire et permissif, classique et non conformiste, direct et indirect, s’exprime dans les deux avec la même liberté et la même souplesse fascinantes et fatigantes. Il est si libre et si souple parce qu’il est, constamment, asservi aux besoins d’apprentissage, purement individuels, de ses patients et étudiants. Il s’est voué à eux.

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Chères lectrices et chers lecteurs, Comme vous le savez certainement, le monde de l’hypnose vient de perdre l’une de ses grandes figures en la personne de François Roustang. Il a été l’un des grands « penseurs » de l’hypnose. Il a en particulier cherché à définir et comprendre ce qui se déroulait dans une rencontre et lors d’une séance. Nous lirons l’hommage de Jean-Marc Benhaiem, son ami et disciple.

Se réinventer grâce à l’hypnose. Nicole Prieur
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Anorexie : du symptôme aux processus. Dr Bruno Dubos
L’anorexie et la boulimie sont un véritable défi pour les thérapeutes. Mais plutôt que de parler d’anorexie ou de boulimie, il convient de prendre en compte qu’il s’agit de patientes, adolescentes ou moins jeunes qui viennent dans nos cabinets de consultation avec ce symptôme. La réputation de ces problèmes est particulière, renforcée il est vrai par nos expériences en thérapie avec ces patientes.

La réassociation dans les troubles alimentaires. Sophie Cohen
Le thème de la réassociation est souvent peu traité. On parle et on écrit en effet volontiers de la dissociation en hypnose. La dissociation est utile dans nombre de situations où, par exemple, des soins génèrent de la douleur. Ainsi l’on enseigne le savoir-accompagner le patient dans un état dissociatif. Dans un ensemble de pathologies, savoir si une personne est dissociée ou associée n’est pas pris en compte. Alors que la dissociation spontanée peut représenter une protection naturelle dans les premiers temps d’une situation, elle devient pathologique si elle s’inscrit comme une façon d’être dans la durée.

Thérapie du couple parental. Dr Patrice CHARBONNEL
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« Au fait, j’y pense, j’ai oublié d’vous dire… » Dr Stefano Colombo
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Présidente de France EMDR-IMO, Présidente de l'Institut HYPNOTIM à Marseille. Responsable… En savoir plus sur cet auteur


Rédigé le Lundi 7 Aout 2017 à 16:03 | Lu 1904 fois modifié le Dimanche 28 Juillet 2019