Que peut-on attendre de l'hypnose pour se soigner ? - La Manche Libre
L'hypnose est pratiquée depuis plusieurs siècles notamment dans des spectacles. Lorsqu'elle est utilisée pour des soins, son efficacité a été démontrée dans des domaines précis (douleur, côlon irritable) (*).
Qu'est-ce que l'hypnose ? Ce n'est ni une relaxation, ni une forme de sommeil ou de méditation. Il s'agit d'un "état de conscience modifiée" dont nous avons tous déjà fait l'expérience (par exemple lorsque vous écoutez un exposé peu captivant, votre attention s'échappe et votre regard flotte dans le vague). Cet état, bien familier, peut être utilisé dans un but thérapeutique. L'idée est que, sous hypnose, nous arriverions plus facilement à utiliser des ressources situées dans la partie non consciente de notre cerveau (bien différente de l'inconscient des psychanalystes) dont l'accès aurait été rendu, par notre histoire personnelle, difficile ou impossible.
Vous devez savoir que personne ne pourra vous faire commettre des actes contraires à votre conscience sous hypnose.
Une précaution pour y recourir comme traitement : l'hypnose est un outil qui nécessite des compétences spécifiques pour la pratiquer. Confieriez-vous votre voiture à un réparateur qui n'aurait appris qu'à se servir d'un tournevis (je vous conseille de choisir un garagiste ayant étudié les moteurs, leur fonctionnement, les pannes et leurs réparations)? Il en est de même pour les soignants. Adressez-vous à un professionnel de santé ayant une formation en hypnose solide : pour les troubles physiques cités précédemment, à un médecin, pour des troubles psychologiques à un psychiatre, psychologue, ou psychothérapeute dûment inscrit sur le registre national en vérifiant auprès de l'ARS car les annuaires… (*).
Enfin, attention aux souvenirs retrouvés sous hypnose : ils sont à examiner avec les plus grandes précautions car il y a de grandes chances qu'ils soient faux. De faux souvenirs ainsi créés ont eu de dramatiques conséquences (*).
Dr Patrick Lehmann
L’hypnose thérapeutique de plus en plus pratiquée et acceptée - Hinnovic
L’hypnose, un état particulier de la conscience
Hypnos signifie sommeil en grec, mais l’état hypnotique n’est pas une forme de sommeil. La personne en transe hypnotique (l’autre expression pour désigner l’hypnose) n’est pas non plus dans un état d’éveil caractéristique. On ne comprend pas encore vraiment comment le cerveau accède à l’état hypnotique, mais les premières imageries cérébrales réalisées en 2003 par l’équipe de Pierre Rainville (Université de Montréal) sur des sujets en état d’hypnose ont révélé que certaines zones s’activent beaucoup plus durant cet état de conscience.
Ainsi, le cortex cingulaire antérieur, le thalamus et certaines régions du tronc cérébral voient une augmentation de leur activité neurologique. Le cortex cingulaire antérieur est notamment impliqué dans l’attention et le contrôle des mouvements de façon cognitive. Certaines autres régions voient une baisse substantielle de leur activité neurologique. Cet état particulier de la conscience, vous le vivez pratiquement tous les jours sans le savoir. À chaque fois que vous êtes « dans la Lune » et que vous vous perdez dans des rêveries tout en étant encore conscient, vous êtes quasiment en transe hypnotique. Certains chercheurs suggèrent même que le phénomène est le même quand nous sommes au volant sur une route qui ne requiert pas une attention soutenue et que nous nous abandonnons à nos pensées, perdant parfois même la notion du temps. Nous sommes à la fois présents, puisque nous conduisons la voiture et absents puisque nous focalisons pratiquement toute notre attention dans le virtuel.
Pour Milton Erickson, psychiatre/psychologue américain décédé en 1980 et père de l’hypnose ericksonienne, « l’hypnose isole la personne de son environnement conscient immédiat et dirige ainsi son attention à l’intérieur d’elle-même et vers ses propres potentialités réelles ».
C’est vers les années 1760 qu’on peut retracer les débuts de l’hypnose, même si celle-ci n’était pas encore connue à l’époque, mais découlait probablement de pratiques de suggestion qui généraient un état hypnotique chez des patients. Franz Anton Mesmer, un médecin allemand né en 1734, croyait que les maladies étaient causées par une mauvaise répartition du fluide animal qui remplit l’Univers et qui sert d’intermédiaire entre les êtres humains, la terre et les corps célestes, mais aussi entre les êtres humains eux-mêmes. Mesmer clamait qu’il réalignait le magnétisme de ses patients et certains affirmaient se sentir mieux après les séances. Évidemment, point de fluide animal et autre magnétisme à réaligner avec les planètes, mais probablement un fort pouvoir de suggestion couplé à des capacités hypnotiques encore méconnues. Malgré les critiques virulentes de l’époque sur le magnétisme animal de Mesmer (évidemment justifiées), celui-ci a réussi à donner son nom au verbe anglais to mesmerize, c’est-à-dire à la capacité d’une chose ou d’un être à attirer tellement votre attention que vous êtes presque en état d’hypnose.
Une pratique qui prend de l’ampleur en santé
Même si le recours à l’hypnose suscite encore de la méfiance chez beaucoup de patients, de plus en plus de professionnels de santé suggèrent cette pratique qui ne remplace pas certains actes médicaux, mais qui vient en complément de ceux-ci. Ainsi, des séances d’hypnose peuvent être choisies par un patient dans de nombreux actes médicaux ou même par les personnes qui font appel aux services d’un expert en santé mentale, que ce soit un psychiatre ou un psychologue. Par exemple, l’hypnose thérapeutique dans le domaine de la santé mentale implique une synchronisation entre le patient et le thérapeute. Ce dernier comprend ainsi mieux les angoisses, les peurs ou encore les désirs et attentes de la personne en transe positive. Il peut également mieux faire passer des messages rassurants, calmants, ou même rationnels. Tout se passe comme si les deux personnes étaient « sur la même longueur d’onde » pour reprendre les mots de Claude Virot, médecin psychiatre et créateur de l’institut Émergences en France. Ce psychiatre formé à l’hypnose en 1986 souligne que, selon les enquêtes, « 90 % des gens qui rentrent dans un cabinet de dentiste sont en transe négative. Les patients bloquent pratiquement complètement leurs ressources de guérison : augmentation des douleurs, cicatrisations moins bonnes, augmentation des risques d’infection, etc. » (voir la vidéo de la conférence plus bas dans ce billet).
Dans le domaine de la chirurgie, il est important de rappeler que l’hypnose ne peut se substituer à une anesthésie générale nécessaire dans des cas de chirurgie lourde. On ne peut donc pas encore se faire amputer un membre ou subir une craniectomie sous hypnose. Par contre, elle peut être pratiquée dans certains cas de chirurgie légère. De plus, un patient qui accepte de subir une séance d’hypnose juste avant une opération chirurgicale va être mis dans un état de transe positive visant à lui amener un confort accru, à le rassurer vis-à-vis de l’acte chirurgical. Ce confort sera utile avant l’opération, mais aussi au réveil, puisque la plupart des patients ressentent les effets de l’hypnose même après avoir été opérés, notamment pour ce qui est de l’intensité de la douleur.
D’ailleurs, parlons de la douleur et de l’état de transe hypnotique. On sait que l’hypnose agit sur le système limbique qui serait entre autres associé à la sensation de douleur. Comme le rapporte le site Allo Docteurs, « l’hypnose peut bloquer la circulation des neuromédiateurs et par conséquent de la douleur dans le corps. Elle les empêche de « dire » au cerveau que tel ou tel endroit du corps souffre. De plus, l’hypnose diminue la quantité d’hormones de la douleur. » L’hypnose thérapeutique suscite un intérêt tellement grandissant qu’un congrès international réunissant plus de 2000 experts s’est tenu à Paris du 27 au 29 août 2015.
Et l’auto-hypnose ?
Nous avons souligné plus haut que l’état de transe hypnotique est un phénomène naturel dont nous faisons régulièrement l’expérience sans nous en rendre compte. Cependant, est-il possible d’induire cet état de façon volontaire par nous-mêmes et pour nous mêmes ? Oui et cela s’appelle bien sûr l’auto-hypnose, soit le fait de réussir à rentrer seul dans un état de conscience modifiée qui nous fait lâcher prise, qui nous isole de l’environnement. C’est d’ailleurs afin de prouver l’intérêt de cette technique pour diminuer la douleur qu’une équipe française s’apprête à démarrer une étude avec une trentaine de patients en attente d’une greffe pulmonaire qui vont être formés à l’auto-hypnose. L’objectif pour les patients est plus précisément « d’apprendre avant l’intervention à se mettre eux-mêmes dans un état particulier de conscience modifié et de plonger, quand ils en ressentent le besoin, dans un espace de rêverie pour prendre de la distance avec la réalité, désamorcer leur angoisse et réduire leur stress. »
L’Institut de Cancérologie de Lorraine primé pour ses travaux en hypnose - UNICANCER
Mise en place en 2011 à l’ICL, l’hypnose est aujourd’hui utilisée en routine dans plusieurs actes à l’ICL: pose de cathéters, traitement de la douleur, gestion des angoisses… Cette technique, encadrée par Rémi Etienne hypnothérapeute à l’ICL, fait actuellement l’objet de plusieurs projets de recherche.
L’hypnose conversationnelle est une forme de communication, qui use des techniques d’hypnose au cours d’une conversation formelle avec pour objectif d’influencer une personne.
Ainsi, les manipulateurs, formés par l’hypnothérapeute à l’ICL, utilisent un des termes choisis pour réduire l’appréhension de l’examen et le stress.
Le prix Association Française des Infirmiers en Cancérologie, remis à Rémi Etienne et Myriam Laurent de l’ICL, récompense un projet (baptisé ENHYZA), qui propose d'évaluer l'impact "d'un message hypnotique standardisé lors de l'application de patch anti-douleurs chez des patients présentant des douleurs neuropathiques périphériques."
Ce prix de 10 000 euros, au profit de l'ICL, va permettre d'optimiser le recrutement des patients, donnant ainsi une plus grande dimension à ce projet.
D’autres projets sont actuellement menés à l’ICL en hypnose. En radiothérapie, une étude coordonnée par le Dr Julien Charriet a été menée auprès de patients traités pour des tumeurs des voies aéro-digestives supérieures. Les contraintes techniques et la durée de ces traitements pouvant être sources de stress ou de refus de traitements, les patients réticents peuvent consulter l’hypnothérapeute pour une séance dite « d’ancrage ».
En radiologie, les manipulateurs s’intéressent à l’impact des mots sur l’anxiété des patients lors d’examens. Ainsi, le projet Hycorema, porté par Lydie Lemoine, prix recherche manipulateur SFR-AFPPE 2015, vise à comparer l’apport de l’hypnose conversationnelle versus une prise en charge standard sur l’anxiété des patientes lors d’un repérage mammaire préopératoire.
Suresnes : à l’hôpital Foch, on propose l’autohypnose pour avoir moins mal - Le Parisien
L’auto-hypnose pour soulager le stress et la douleur : c’est l’objet d’une étude sur le point d’être lancée à l’hôpital Foch, à Suresnes, avec une trentaine de patients en attente d’une greffe pulmonaire.
S’asseoir dans un «fauteuil de nuages » pour se sentir en sécurité, imaginer un «gant magique » pour soulager la douleur… Les professionnels de santé proposent des méthodes d’auto-hypnose pour aider les patients en attente de greffe, puis après la transplantation, à surmonter l’anxiété et la douleur liées aux différents examens et interventions.
«Nous avons commencé à utiliser cette méthode avec les patients greffés et nous avons lancé une étude scientifique, la première en France, pour montrer son intérêt dans la prise en charge de la douleur, annonce le Dr Mireille Michel-Cherqui. La médecin anesthésiste fait partie de l’unité douleur de l’hôpital Foch, qui regroupe une quinzaine de professionnels. «Nous allons évaluer sur deux groupes de patients, l’un avec et l’autre sans hypnose, la douleur, l’anxiété, la qualité de vie… à partir de grilles d’évaluation déjà validées et d’un questionnaire propre à l’établissement ». Cette étude, soutenue par la Fondation Apicil contre la douleur, doit inclure 75 patients. 49 sont déjà inscrits.
«Ces phénomènes douloureux sont corrélés avec un état d’anxiété »
«Pour l’instant, on enregistre un bon apprentissage de la technique par les greffés et peut-être moins de douleur, mais cela reste à confirmer, avance avec réserve l’anesthésiste. En transplantation pulmonaire, on constate que 60 % des patients ont des douleurs avant la greffe, et la douleur est encore présente après, poursuit le Dr Michel-Cherqui. Et ces phénomènes douloureux sont corrélés avec un état d’anxiété ». Les traitements médicamenteux contre la douleur ne sont pas toujours très efficaces et ont des effets secondaires. «Aussi, toutes les techniques autres que médicamenteuses sont intéressantes », estime la praticienne. Formée depuis huit ans à l’auto-hypnose avec une psychologue et une infirmière, le Dr Michel-Cherqui a intégré cette technique dans sa pratique. «L’auto-hypnose existe depuis une quinzaine d’années mais elle a explosé depuis quatre ou cinq ans », constate-t-elle.
«L’apparition de l’hypnose est un changement de culture complet, témoigne une pneumologue de Foch, l’un des plus anciens et des plus importants centres de transplantation pulmonaire de France. L’arrivée des psychologues il y a quinze ans était déjà une grande nouveauté. Cette prise en charge de la douleur est un deuxième bouleversement. »
Christophe, qui a bénéficié d’une transplantation pulmonaire le 1er mai 2014, reconnaît que l’apprentissage de l’auto-hypnose lui a demandé des efforts. «Par rapport aux soins médicaux, plus je suis tendu, plus il y a de douleur. Et j’ai remarqué que j’étais là à serrer les dents et à encaisser, confie ce trentenaire, qui se dit un autre homme depuis sa greffe. Donc c’était plus difficile pour moi de me relaxer et de m’évader. Mais depuis, j’utilise parfois cette technique avant un examen médical, ou un entretien d’embauche».
Première mondiale: chirurgie du cerveau sous hypnose - Paris Match
Pour quelles tumeurs cérébrales est-il nécessaire de réveiller le malade durant l’opération ?
Dr Ilyess Zemmoura. Cette technique dite de “chirurgie éveillée” concerne le plus souvent les gliomes de bas grade et parfois de haut grade. Ces tumeurs infiltrantes envahissent des zones liées à des fonctions tels le langage, la vision et la motricité qu’il faut préserver. Dans certains cas, mieux vaut retirer seulement une partie de la tumeur, et ce qui en reste sera soit suivi par IRM, soit traité par radiothérapie ou chimiothérapie.
Pour enlever une tumeur, quel est le protocole chirurgical ?
Dr I.Z. 1. Le malade est endormi sous anesthésie générale durant laquelle on lui en administre une autre, locorégionale, au niveau de la zone à opérer. Le chirurgien pratique ensuite son ouverture pour atteindre le site de la tumeur. 2. On réveille le patient. Il ne souffre pas car il n’y a pas de récepteur de la douleur dans le cerveau et il n’éprouve aucune sensation désagréable au niveau du cuir chevelu grâce à l’anesthésie locale. 3. Un orthophoniste le soumet à des tests de langage, de vision ou de motricité correspondant aux zones cérébrales à opérer et celles à préserver. Le chirurgien retire la tumeur sous contrôle de ces tests puis rendort le patient.
Pourquoi avez-vous décidé d’utiliser une méthode d’hypnose ?
Dr Eric Fournier. Après une anesthésie générale, certains patients ont des réveils agités qui retardent le bon déroulement des tests. D’autres sont porteurs d’une maladie qui ne permet pas un réveil rapide durant l’opération. Il existe enfin des contre-indications à une anesthésie générale.
Comment est pris en charge un malade qui désire se faire opérer sous hypnose ?
Dr I.Z. Après la consultation habituelle avec le neurochirurgien, le malade est reçu par l’anesthésiste hypnothérapeute. Ce dernier soumet chaque patient à une séance d’hypnose pour voir s’il adhère vraiment à la méthode, s’il est possible de l’opérer sous hypnose ou non.
"Le malade peut entendre, voir et sentir mais ses sensations sont très supportables"
Tout le monde n’est pas réceptif à l’hypnose, quel est le pourcentage de ceux qui doivent y renoncer ?
Dr E.F. Environ un patient sur dix. C’est principalement la motivation du malade qui est essentielle pour la réussite de cette méthode où s’établit une modification de l’état de conscience que l’on peut situer entre veille et sommeil. Sous hypnose, la sensation de la douleur est fortement atténuée, voire inhibée. On ne sait pas encore par quel mécanisme mais on a pu constater par des études en IRM fonctionnelle que, lors d’une séance, certaines zones du cortex cérébral s’allument en fonction d’une suggestion spécifique. Quand elle est visuelle, la région occipitale s’active. Si la suggestion concerne une odeur, c’est la zone olfactive qui s’allume…
Décrivez-nous le protocole d’une chirurgie sous hypnose ?
Dr E.F. 1. Au bloc opératoire, le malade est mis en état d’hypnose. 2. Le chirurgien pratique une anesthésie locale au niveau du site à opérer, puis ouvre le crâne. Le malade peut entendre, voir et sentir mais ses sensations sont très supportables. 3. On sort le patient de l’hypnose pour le soumettre aux tests qui vont guider les gestes du chirurgien en respectant les zones à préserver. L’esprit beaucoup plus clair que s’il sortait d’une anesthésie générale, il répond aux tests de façon plus fiable et plus rapide. On le rendort pour la fermeture du crâne.
Quels résultats avez-vous obtenus avec cette chirurgie sous hypnose ?
Dr I.Z. Chez les 37 patients opérés, il n’y a eu aucune complication supplémentaire par rapport à la technique conventionnelle. Nous avons mesuré l’intensité du stress par des questionnaires. Cette intervention de “chirurgie éveillée” sous hypnose n’en avait pas déclenché. La plupart des patients ont déclaré qu’ils choisiraient ce protocole confortable s’ils devaient être opérés de nouveau.
Dans quelle revue scientifique vos résultats ont-ils été publiés ?
Dr I.Z. Nos travaux, publiés dans “Neurosurgery”, la revue officielle américaine de neurochirurgie, constituent une première mondiale.
Dr Ilyess Zemmoura, neurochirurgien au CHU de Tours et Inserm U930 imagerie et cerveau.
Dr Eric Fournier, anesthésiste hypnothérapeute au CHU de Tours.
Les Drs Ilyess Zemmoura et Eric Fournier expliquent la procédure de cette méthode qui remplace l’anesthésie générale dans les cas de « chirurgie éveillée ».
Pour quelles tumeurs cérébrales est-il nécessaire de réveiller le malade durant l’opération ?
Dr Ilyess Zemmoura. Cette technique dite de “chirurgie éveillée” concerne le plus souvent les gliomes de bas grade et parfois de haut grade. Ces tumeurs infiltrantes envahissent des zones liées à des fonctions tels le langage, la vision et la motricité qu’il faut préserver. Dans certains cas, mieux vaut retirer seulement une partie de la tumeur, et ce qui en reste sera soit suivi par IRM, soit traité par radiothérapie ou chimiothérapie.
Pour enlever une tumeur, quel est le protocole chirurgical ?
Dr I.Z. 1. Le malade est endormi sous anesthésie générale durant laquelle on lui en administre une autre, locorégionale, au niveau de la zone à opérer. Le chirurgien pratique ensuite son ouverture pour atteindre le site de la tumeur. 2. On réveille le patient. Il ne souffre pas car il n’y a pas de récepteur de la douleur dans le cerveau et il n’éprouve aucune sensation désagréable au niveau du cuir chevelu grâce à l’anesthésie locale. 3. Un orthophoniste le soumet à des tests de langage, de vision ou de motricité correspondant aux zones cérébrales à opérer et celles à préserver. Le chirurgien retire la tumeur sous contrôle de ces tests puis rendort le patient.
Pourquoi avez-vous décidé d’utiliser une méthode d’hypnose ?
Dr Eric Fournier. Après une anesthésie générale, certains patients ont des réveils agités qui retardent le bon déroulement des tests. D’autres sont porteurs d’une maladie qui ne permet pas un réveil rapide durant l’opération. Il existe enfin des contre-indications à une anesthésie générale.
Comment est pris en charge un malade qui désire se faire opérer sous hypnose ?
Dr I.Z. Après la consultation habituelle avec le neurochirurgien, le malade est reçu par l’anesthésiste hypnothérapeute. Ce dernier soumet chaque patient à une séance d’hypnose pour voir s’il adhère vraiment à la méthode, s’il est possible de l’opérer sous hypnose ou non.
"Le malade peut entendre, voir et sentir mais ses sensations sont très supportables"
Tout le monde n’est pas réceptif à l’hypnose, quel est le pourcentage de ceux qui doivent y renoncer ?
Dr E.F. Environ un patient sur dix. C’est principalement la motivation du malade qui est essentielle pour la réussite de cette méthode où s’établit une modification de l’état de conscience que l’on peut situer entre veille et sommeil. Sous hypnose, la sensation de la douleur est fortement atténuée, voire inhibée. On ne sait pas encore par quel mécanisme mais on a pu constater par des études en IRM fonctionnelle que, lors d’une séance, certaines zones du cortex cérébral s’allument en fonction d’une suggestion spécifique. Quand elle est visuelle, la région occipitale s’active. Si la suggestion concerne une odeur, c’est la zone olfactive qui s’allume…
Décrivez-nous le protocole d’une chirurgie sous hypnose ?
Dr E.F. 1. Au bloc opératoire, le malade est mis en état d’hypnose. 2. Le chirurgien pratique une anesthésie locale au niveau du site à opérer, puis ouvre le crâne. Le malade peut entendre, voir et sentir mais ses sensations sont très supportables. 3. On sort le patient de l’hypnose pour le soumettre aux tests qui vont guider les gestes du chirurgien en respectant les zones à préserver. L’esprit beaucoup plus clair que s’il sortait d’une anesthésie générale, il répond aux tests de façon plus fiable et plus rapide. On le rendort pour la fermeture du crâne.
Quels résultats avez-vous obtenus avec cette chirurgie sous hypnose ?
Dr I.Z. Chez les 37 patients opérés, il n’y a eu aucune complication supplémentaire par rapport à la technique conventionnelle. Nous avons mesuré l’intensité du stress par des questionnaires. Cette intervention de “chirurgie éveillée” sous hypnose n’en avait pas déclenché. La plupart des patients ont déclaré qu’ils choisiraient ce protocole confortable s’ils devaient être opérés de nouveau.
Dans quelle revue scientifique vos résultats ont-ils été publiés ?
Dr I.Z. Nos travaux, publiés dans “Neurosurgery”, la revue officielle américaine de neurochirurgie, constituent une première mondiale.
Dr Ilyess Zemmoura, neurochirurgien au CHU de Tours et Inserm U930 imagerie et cerveau.
Dr Eric Fournier, anesthésiste hypnothérapeute au CHU de Tours.